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RÉFLEXIONS GASTRONOMIQUES

Halloween - Lyon - Octobre 2019

Hello cher lecteur!

Aujourd'hui, comme je l'avais annoncé dans mon article sur les clichés australiens, je vous emmène dans mes réflexions sur un sujet qui tient à coeur à beaucoup de personnes dans le monde entier : la gastronomie (ou la bouffe pour les gens pressés). On s'envole plus particulièrement au Québec, mais cela touche un sujet bien plus large, comme de fait.

Posons tout d'abord le contexte de ces réflexions.

Il y a quelques temps (pas si longtemps, mais maintenant, cela doit peut-être faire un mois), je "zonais" sur Instagram (quoi tu ne me suis toujours pas? Clique ici!), et je regardais des "storys" et notamment celles d'un couple de français qui fait de magnifiques photos (pour découvrir leur talent, c'est ici, et n'hésitez pas à faire un tour sur leur page Instagram aussi pour voir leurs photos les plus récentes) et qui était à ce moment-là en vacances / reportage photo au Québec. Voir leurs photos m'a rendue nostalgique et m'a fait d'autant plus apprécier leur travail que je pouvais reconnaitre tous ces endroits et les redécouvrir à travers leurs lentilles. Jusqu'à cette fameuse story où ils répondaient à la question "On mange bien en Gaspésie ?" et qu'en réponse, ils décriaient le trop de junkfood et le fait qu'on ne venait pas au Québec pour sa gastronomie. Je ne saurais dire pourquoi cela m'a touchée au point de leur écrire - ce que je ne fais d'ordinaire jamais. On dit souvent que ce qui nous énerve chez les autres est en réalité relié à nous-même. Peut-être que c'est le cas, et que de voir qu'un énième français disait cela et faisait perdurer ce cliché comme je l'avais moi-même fait il y a quatre ou cinq ans m'a fait me sentir mal, car après quatre année de vie en terres québécoises, j'ai tout simplement découvert des produits fabuleux et que je m'en voulais certainement d'être moi aussi tombée dans le préjugé facile. Ou bien un ras-le-bol de cette impression que les français pensent être les seuls détenteurs du savoir gastronomique (il n'y a qu'à voir les innombrables posts concernant la bouffe sur la page Facebook des Pvtistes à Montréal).

Food truck - Toronto - Novembre 2015

Bref, nous avons donc échangé et confronté nos arguments en toute courtoisie. J'ai reconnu que, moi aussi, j'avais pensé cela en arrivant au Québec pour la première fois, qu'il y a certes beaucoup de fast-food et que j'aime même Tim Hortons, mais que je trouvais cela dommage que l'on divulgue encore et toujours ce cliché, alors qu'honnêtement, j'ai toujours réussi à bien manger au Québec et qu'avec un peu de recherche, on déniche des pépites, que ce soit des huîtres, des confitures, des fromages, des vins ou des bières de microbrasserie (sans aller bien loin). Alors oui, j'habitais à Montréal, où il y a des marchés, où les bagels et les brunchs sont des institutions et où les restaurants fleurissent si vite qu'ils se doivent d'offrir des produits de qualité pour survivre. Mais même en dehors de Montréal, à Québec ou en région, je ne me souviens pas avoir eu de la difficulté à manger correctement ni à devoir y laisser un rein pour l'occasion. D'après ce couple de français, ils avaient dû y mettre le prix, et même les locaux avaient l'air de dire que c'était difficile de bien manger dans leurs régions. Sur ce point-là, je ne me prononcerai pas, car je n'ai pas demandé leur avis aux locaux. Ce que je sais en revanche, c'est qu'à chaque fois que je suis allée dans un restaurant local, son propriétaire en était vraiment fier et n'avait pas l'air de regretter de nous servir tel ou tel plat. Pour la défense de ce couple de photographes (car j'aime être l'avocat du diable, même contre moi-même), ils habitent dans une région de France où il n'y a littéralement aucun fast-food (d'après eux). Venant de Paris, je suis bien habituée à voir des McDonald's, des Subway, des Starbucks et autres chaînes de fast-food américaines. Je peux donc comprendre leur choc. Ce qui m'a fait vraiment tiquer en revanche, c'est un petit bout de phrase : "Après on est peut-être trop exigeants sur la nourriture en tant que bons épicuriens"... Chacun peut avoir ses impressions, ses ressentis, ses exigences, etc... car chacun vit les choses différemment et chacun a un parcours de vie différent. Mais là, ce que semble impliquer cette tournure de phrase me met mal à l'aise. Comme s'il n'y avait qu'une seule façon d'être un épicurien.

Perles & Paddock - Montréal - Mai 2019

Revenons à deux définitions.

Épicurien : adjectif et nom. 1. De la philosophie d'Épicure et de ses disciples ; partisan de cette doctrine philosophique. 2. (moderne) Qui recherche le plaisir (ou qui y invite lorsqu'on parle de quelque chose), notamment les plaisirs de la table et les jouissances de la chair.

Si on ne s'attarde qu'à la définition moderne du mot, le fait d'être épicurien n'a finalement aucun rapport avec la qualité de la nourriture. On peut se dire épicurien et adorer le fast-food, car la notion qui prévaut est celle de plaisir. Et la notion de plaisir est tout à fait subjective, chacun ayant des plaisirs différents. Il y a des gens pour qui les frites de McDo sont leur péché mignon. En quoi aurai-je donc l'autorité de dire que ces personnes ne sont pas de "bons épicuriens" car ce qui leur fait plaisir, c'est les frites de McDo et non des huîtres fraîches de la ferme marine d'à côté? CQFD.

Et pour aller plus loin, si on revient aux racines de la philosophie d'Épicure, le plaisir est source d'équilibre, issu du corps et de la chair car tout est matériel (même l'âme). Il se catégorise ensuite en trois formes de désirs : les désirs naturels et nécessaires (les besoins primaires pour nous conformer à la nature), les désirs naturels et non nécessaires (recherche d'objets variés et raffinés), et enfin les désirs non naturels et non nécessaires (tendance à développer des opinions et jugements futiles). Épicure et ses disciples ne retiennent que la première forme de désirs comme plaisir suffisant pour vivre une vie bienheureuse. En somme, exit les mets raffinés : on privilégie la simplicité (pain, eau) et on n'a cure du goût en réalité. Donc finalement, quelqu'un qui se dit à la fois épicurien et exigeant avec la nourriture est contradictoire. Pour lever le voile, et ne plus confondre épicurisme (maîtrise des plaisirs et satisfaction des besoins vitaux) et hédonisme (maximisation de tous les plaisirs), voici un petit lien.

Kinton Ramen - Montréal - Mars 2019

Gastronomie : nom féminin. 1. Art de la bonne chère (cuisine, vins, ordonnance des repas, etc.). 2. Art de faire de la bonne cuisine, ensemble des règles qui conditionnent l'art de bien manger, en prenant soin des produits utilisés.

Si on s'arrête à la première partie de la définition de la gastronomie, "art de la bonne chère", rappelons que "faire bonne chère" signifie à notre époque "bien manger"... ce qui veut littéralement tout et rien dire, hormis qu'à la fin du repas, on est repu et satisfait d'avoir le ventre plein (qui ne s'est jamais exclamé "Ah, j'ai bien mangé!" après avoir fini une pizza livrée chez soi?). Actuellement, lorsqu'on parle de "manger bien", on peut aussi signifier "ingérer des aliments sains et bons pour la santé". D'ailleurs, dans la deuxième version de cette définition, on inclut la notion de qualité de la nourriture. Dans ce cas, la junk-food ne ferait effectivement pas partie de la gastronomie car la qualité n'est pas souvent au rendez-vous. J'outrepasse le fait de "faire de la bonne cuisine", car encore une fois, cela ne veut pas vraiment dire grand chose : vous serez d'accord avec moi pour dire que les tartes de vos grands-mères sont les meilleures du monde, sans pour autant penser que c'est de la Gastronomie avec un grand G.

Cela étant dit, habitant à Lyon depuis deux mois (article à venir, stay tuned!), proclamée par beaucoup comme capitale gastronomique, j'ai été amenée à découvrir des bouchons lyonnais et donc à tester les spécialités culinaires lyonnaises, faisant soit-disant partie de la gastronomie de la région, et française au sens plus large. Certaines sont tout à fait délicieuses et étonnantes, mais certaines sont tout à fait basiques, comme un plat à 12 zlotys en Pologne (patates à l'eau et saucisse ... la sauce au vin a vraiment sauvé ce plat!), et toutes sont quand même (très) grasses. Et personnellement, je ne sais pas si j'aurais décrété que ce plat est gastronomique si j'avais été amenée à le goûter dans un petit village du Québec lors de mon tout premier voyage dans la Belle Province, forte de mes préjugés.

Il y a donc finalement un caractère très subjectif à déterminer ce qui est ou n'est pas de la gastronomie. Vous me direz qu'il existe un art de la table et toutes les règles associées (une fourchette différentes pour chaque plat par exemple). Je ne le nie pas, et j'admire le travail des personnes qui travaillent en restauration, et notamment dans des restaurants étoilés (où l'on parlera d'ailleurs de haute gastronomie). Mais je trouve cela dommage que l'on suppose par là qu'il n'y a qu'une seule gastronomie. Que dire alors des pays asiatiques ? La gastronomie, déjà très différente d'un pays à l'autre, est à l'opposé de ce que l'on connaît en Europe et a fortiori en France. On n'utilise pas les mêmes couverts, on ne présente pas les plats de la même façon, on ne mange pas les aliments dans le même ordre. Et pour autant, c'est une gastronomie. Je peux également prendre l'exemple du Mexique : un plat typique de la région d'Oaxaca est composé de poulet et de riz, recouvert de mole. En apparence, rien de bien sorcier, qui ne se rangerait peut-être pas dans de la gastronomie si vous dégustez ce plat sur le pouce dans un marché (ce qui se fait souvent). Et pourtant, cette sauce, la mole, contient plus de 30 ingrédients, dont le cacao et le piment, et demande un savoir-faire indéniable pour sa réalisation. C'est un plat typique, c'est un plat gastronomique.

Chez Boulay - Québec - Novembre 2018

En conclusion.

Ainsi, d'après cette définition qui ne parle pas de localisation géographique ni de la qualité du goût ou de la balance du gras, mais seulement de la qualité des produits et des règles mises en place pour conduire un repas (qui sont différentes d'un pays à l'autre), je peux conclure qu'il y a autant de gastronomies qu'il y a de pays. De ce fait, le Canada, et donc le Québec, possèdent leur propre gastronomie. Une gastronomie fortement inspirée des gastronomies française et anglaise, faisant avec les moyens du bord (aka le climat!), agrémentée de traditions des premières nations, et influencée par le développement de la gastronomie de ses voisins (comme c'est le cas en France également). Une poutine n'est pas bien différente d'une raclette au final.

Et finalement, comme tout est une affaire de goût, on peut aimer ou pas la gastronomie d'un pays ou d'un autre, tout en étant tous des épicuriens au sens moderne du terme (Épicure, quant à lui, se retournerait dans sa tombe). Mais, pleeeeeaaase, restons ouvert d'esprit et à l'affût des merveilles culinaires que chaque pays a à offrir, même si cela ne nous saute pas aux yeux de prime abord. Non, la France n'a pas le monopole de la gastronomie, et non, on ne peut pas toujours comparer les choses (même si c'est très tentant et quasiment naturel de le faire pour l'humain qui a besoin d'un point de référence).

La Petite Ferme - Aix-en-Provence - Septembre 2019

Pour clôturer cet article et pour vous mettre l'eau à la bouche :

Comme l'a si bien résumé Corentin Chaboud pour Génération Voyage : "Visiter le Québec sans découvrir les spécialités typiques {de cette province} serait invraisemblable tant la gastronomie compte pour beaucoup dans la culture d’un pays. Après cette liste, nul doute que vous aurez envie de déguster toutes les merveilles culinaires locales. Car la cuisine québécoise est riche, calorique, mais surtout follement délicieuse ! Ce qui s’explique par son histoire et les conditions climatiques hivernales rudes." (cliquez sur le lien ci-dessus pour une liste non exhaustive de plats typiques, mais pas moins gastronomiques, qui peuvent se réinventer à l'infini).

Vignoble Le Papillon - Cantons de l'Est - Juillet 2018

Voici quelques adresses québécoises testées et approuvées :

- Le Quartier général à Montréal (produits du terroir, mêlant les gastronomies française et québécoise)

- Cassis Monna et Filles sur l'Île d'Orléans

- Brise-Bise à Gaspé

En bonus, une liste de Tastet pour pleins d'idées à Montréal (pour tous les budgets) - je ne les ai pas tous testés mais j'en connais beaucoup de nom et de réputation, dont certains testés par mes anciennes collègues, foodies passionnées! (+ un qui n'est pas dans la liste mais que j'y aurais ajouté : Le Caribou gourmand) - et la route des bières du Québec et de Gaspésie (Est du Québec). Sans oublier, les vins dans les Cantons de l'Est et la région de Dunham (il y a plusieurs circuits de Route des vins!), le cidre et le vin de glace dans les Cantons de l'Est et Montérégie, les fromages un peu partout (et pas seulement celui d'Oka), les cabanes à sucre quand vient ce temps de l'année (en Mauricie ou ailleurs, voici une belle liste!), les tartes au sucre si célèbres de Saint-Donat (Boulangerie Saint-Donat), ...

Il y a tellement de découvertes à faire et de quoi se régaler! Et je n'ai même pas abordé le reste du Canada (les vins en Ontario et en Colombie Britannique, ou bien les huîtres de l'Île du Prince-Édouard). En bref, il n'y a pas que Tim Hortons, quoique je raffole d'un Medium Double Double lors de road-trip ou d'aller-retour Montréal-Toronto (en hiver, je craque pour un petit chocolat chaud ou une petite vanille française ...) et qu'un petit paquet de TimBits est toujours le bienvenu au bureau pour partager entre collègues.

Sur ces belles réflexions gastronomiques, je te dis à la semaine prochaine cher lecteur!

Xoxo

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