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CONFESSION D'UNE AVENTURIÈRE DU DIMANCHE


Crédit photo : Sarah Ben Saad

Crédit photo : Sarah Ben Saad


Il y a un peu plus de deux ans, je voulais quitter Paris à tout prix, ville que j'adore mais où je me sentais prise au piège des hauts immeubles et du destin tout tracé qui semblait se dessiner derrière une pénible recherche d'emploi post-diplôme. Je voulais vivre au grand air, rencontrer de nouvelles personnes, de nouvelles cultures, je voulais faire le tour du monde, ne jamais travailler dans un bureau, ou du moins pas tout de suite, ne pas faire du 8h-18h. Je voyais mon futur avec un sac à dos, mon passeport et des billets d'avions dans les mains. Mais pour un temps.


Au fond de moi, je savais déjà que j'ai un besoin de sécurité financière assez important. Si vous me connaissez un peu, vous m'avez certainement déjà entendu dire que je ne veux pas d'enfant avant d'avoir une situation stable pour les accueillir. Ça n'a l'air de rien et même un peu stupide comme réflexion mais c'est en fait très révélateur : à défaut d'être une vraie freak du contrôle, je suis une freak de la sécurité. Je ne prends des risques et je ne sors de ma zone de confort que si j'en ai les moyens. Même si j'ai la chance d'avoir le soutien de mes parents, je désire plus que tout être indépendante depuis que j'ai 14 ans - utopie chérie - et je sais très bien que si je peux autant voyager, c'est bel et bien grâce à eux.


Depuis que je suis à Montréal, j'ai réinventé ma vie, fait des métiers que je n'aurais jamais pensé faire - même pas en cauchemar, je n'aurai imaginé faire du porte à porte pour représenter une compagnie de télécommunications et vendre ses produits - et appris beaucoup sur moi-même. Pour des raisons financières, j'ai moins voyagé que prévu, mais je ne perds pas de vue ma bucket-list. J'ai finalement été très sédentaire, beaucoup plus que ce que j'espérais. Je pensais vivre 1 ou 2 ans hors du commun et revenir à ma vie parisienne là où je l'avais laissée.


Après moult réflexions et hésitations, des envies de partir de nouveau, de me réinventer ailleurs, de retourner à Paris, des ras-le-bol de Montréal, des overdoses de distances, j'ai mis un poids à mon pied qui me gardait encore dans cette ville cosmopolite du Québec que j'avais choisie : j'ai repris des études. Rien ne m'oblige à les finir mais je termine toujours ce que j'ai commencé donc je ne peux pas partir avant de les avoir finies.


Et finalement, de fil en aiguilles, après beaucoup de déceptions personnelles et professionnelles, on dirait que Montréal me renvoie enfin la balle. J'ai redécouvert la joie de travailler derrière un bureau et de ne pas avoir à faire un sourire à un inconnu qui se contre-fiche de mes explications sur l'art des premières nations du Canada, et d'avoir mes fins de semaine, sans être en décalage avec la majorité de mes amis.


La fille qui rêvait de vivre sur la route avec un sac à dos et son appareil photo a sauté de joie lorsqu'elle a signé un poste permanent en 9 à 5. 35h par semaine (et des événements parfois en soirée et en week-ends). Une paye régulière et des avantages sociaux. Et des semaines de vacances - choses rares au Canada.


MURAL 2017 - Artiste : INSA

Incroyable, non? Est-ce parce que je suis réellement heureuse d'avoir ce genre de vie ou bien parce qu'enfin je rentre dans le moule forgé par la pression sociale et familiale - tu seras indépendante ma fille, tu devrais être ingénieur car tu es intelligente, tu feras de longues études pour avoir un bon métier ? Je pense que c'est un peu des deux. J'ai été formatée, que je le veuille ou non, et c'est très frustrant et épuisant d'être constamment à contre-courant et de vouloir faire plaisir à tout le monde en même temps. C'est attristant d'affronter le regard des autres ou de constater le décalage qui s'est creusé. D'autant plus lorsque ce que l'on fait ne nous rend pas vraiment heureux ou épanoui. Et surtout j'ai compris que la clé du bonheur, c'est l'équilibre. C'est comme si je l'avais oublié, comme si j'avais été perdue à la fin de mes études d'ingénieur : j'avais remplacé le patinage artistique par la prépa, et la prépa par l'école d'ingé, des lieux et situations où l'on n'a pas vraiment le temps de réfléchir et de se poser les bonnes questions lorsque l'on est une personne qui n'est pas là par vocation, qui a trop de différent points d'intérêts et qui ne sait pas choisir.


L'équilibre, donc. Qu'est-ce que l'équilibre? C'est l'une des premières choses qu'un bébé cherche à acquérir. Ce n'est donc pas sorcier et ça n'empêche pas les chutes occasionnelles. C'est juste savoir ce dont on a besoin pour se sentir bien, ce qui nous rend heureux tous les jours, ces petits riens qui nous décochent un sourire par inadvertance. Je sais que j'ai besoin de café le matin, d'un bon lit avec ma grosse peluche humaine, d'un peu de sport, d'un peu de danse, de beaucoup de lumière - de préférence du soleil -, de balades, de sortir régulièrement de Montréal - de n'importe quelle ville en réalité -, d'écrire sur tout et n'importe quoi, de lire des romans, d'écouter de la musique, de faire travailler mon cerveau de façon créative, d'apprendre tous les jours quelque chose de nouveau, de rire beaucoup, de voir mes amis souvent, ma famille si possible aussi, et de savoir que je n'ai pas de problème d'argent - pour avoir l'esprit tranquille, et surtout pour pouvoir m'offrir ce que je veux, des voyages, des spas, des activités, des nouvelles choses ou un bon brunch.


Donc oui, finalement je suis réellement contente d'avoir signé. De m'assurer cette sécurité, qui me met certes des contraintes, mais qui va m'apporter bien plus de liberté : je pourrais partir en week-end, en voyage, et doucement mais sûrement cocher toutes les destinations sur ma to-do liste. Je ne suis pas une véritable aventurière, je ne suis pas cette personne qui va tout plaquer du jour au lendemain sans une certaine sous-pape de sécurité, comme dans "Into the wild" - de toute façon, cela finit mal. Je suis même peut-être plus frileuse qu'Elizabeth Gilbert dans "Mange, prie, aime" - quoiqu'elle a tout de même planifié un minimum son voyage au long cours. Mais, j'ai soif d'aventures, de les partager et de les vivre comme j'en ai envie, et pas parce que c'est à la mode ou que c'est la course à qui ira à tel endroit en premier.


Je suis une aventurière du dimanche. Et le reste de la semaine, je traîne en chaussettes dans mon salon!



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